La Route de l'Obisidienne
Reconstitution du système d'échange de l'obsidienne entre la Corse et la Sardaigne au néolithique
par la construction des bateaux de transport nécessaires à la traversée.
par la construction des bateaux de transport nécessaires à la traversée.
Quelques dates :
Idée du projet : fin 2019 Lancement de la campagne Ulule : 24 janvier 2020 Choix de l'arbre avec l'ONF : 15 février 2020 Début abattage : 28 février 2020 Fin abattage : 29 février 2020 Début tronçonnage : 15 mars 2020 Fin de la campagne Ulule : 23 avril 2020 Fin tronçonnage : 12 juin 2020 Début creusement : 16 juin 2020 Fin creusement : 25 aout 2020 Mise à l'eau : 5 septembre 2020 Départ de Campomoro : 16 septembre 2020 Arrivée à Bonifacio : 19 septembre 2020 |
Remise en contexte
L’Europe de l’ouest a été le siège de plusieurs vagues de peuplement durant la préhistoire. La première a eu lieu il y a 1M d’années avec une culture de tradition oldowayenne, la deuxième intervient vers 600 000 ans avec la culture acheuléenne. Vers 100 000 ans une nouvelle vague venant du Proche-Orient voit l’arrivée d’une nouvelle espèce humaine (Homo Sapiens) qui va remplacer celle autochtone (Néanderthal). C’est ensuite au néolithique (-8000 ans) que de nouvelles communautés abordent l’Europe de l’ouest, par les Balkans et par la méditerranée.
En effet, les progrès de la navigation à cette période permettent la colonisation de lieux inexplorés jusque-là : les îles méditerranéennes. C’est à cette période que sont conquises, entre-autres, les îles de Sardaigne et de Corse.
Parmi les enjeux les plus importants du néolithique insulaire, l’un d’eux est l’acquisition de roches dures aptes à la réalisation de tranchants. La géologie corse n’étant pas très favorable à cette acquisition (si l’on excepte la rhyolite et le quartz), l’approvisionnement en roches dures aptes à la taille est passée par un réseau d’échange entre la Sardaigne et la Corse. En effet, en Sardaigne, plusieurs gisements de silex (Perfugas) et d’obsidiennes (Monte Arci), ont fait l’objet d’exploitation locale et à des fins d’échanges avec les peuples autochtones de la Corse. La Corse est ainsi approvisionnée en obsidienne et en silex sur près de 5000 ans.
Plusieurs problématiques de recherche concernant ces échanges peuvent être évoquées. Celles qui nous concernent ici correspondent aux moyens mis en œuvre pour effectuer la traversée des 13 kilomètres qui séparent la Corse de la Sardaigne, et au-delà, des modes de navigation en mer avec les moyens disponibles au néolithique sur moyenne ou longue distance, le tout étayé par les connaissances que nous avons sur la fabrication des embarcations à cette période.
En effet, les progrès de la navigation à cette période permettent la colonisation de lieux inexplorés jusque-là : les îles méditerranéennes. C’est à cette période que sont conquises, entre-autres, les îles de Sardaigne et de Corse.
Parmi les enjeux les plus importants du néolithique insulaire, l’un d’eux est l’acquisition de roches dures aptes à la réalisation de tranchants. La géologie corse n’étant pas très favorable à cette acquisition (si l’on excepte la rhyolite et le quartz), l’approvisionnement en roches dures aptes à la taille est passée par un réseau d’échange entre la Sardaigne et la Corse. En effet, en Sardaigne, plusieurs gisements de silex (Perfugas) et d’obsidiennes (Monte Arci), ont fait l’objet d’exploitation locale et à des fins d’échanges avec les peuples autochtones de la Corse. La Corse est ainsi approvisionnée en obsidienne et en silex sur près de 5000 ans.
Plusieurs problématiques de recherche concernant ces échanges peuvent être évoquées. Celles qui nous concernent ici correspondent aux moyens mis en œuvre pour effectuer la traversée des 13 kilomètres qui séparent la Corse de la Sardaigne, et au-delà, des modes de navigation en mer avec les moyens disponibles au néolithique sur moyenne ou longue distance, le tout étayé par les connaissances que nous avons sur la fabrication des embarcations à cette période.
Le Projet
Le projet est de reproduire la traversée entre Corse et Sardaigne et cela passe par la fabrication de deux pirogues monoxyles que l’on fixera entre-elles par des longerons (catamaran) dont les détails de l'assemblage restent encore à discuter avec les différents spécialistes de la navigation ancienne.
Nous souhaitons que l'ensemble des étapes de la réalisation soit fait en total respect des matériaux, outils et techniques du néolithique, depuis l'abattage de la grume de pin, son creusement et jusqu'à la navigation. L’ensemble des étapes se dérouleront entre janvier et septembre. En effet l’abattage devant se faire avant la montée de sève (au plus tard fin février 2020), le creusement des 2 pirogues intervenant au printemps et à l’été 2020.
L'expérimentation en mer interviendra à l’automne 2020 (septembre) afin de bénéficier des conditions optimales de navigation. Celle-ci se faisant probablement par une mise à l’eau sur la plage de Tizzano ou Propriano puis une navigation de 3 jours par cabotage jusqu'à Bonifacio et ensuite en traversant en une journée vers la Sardaigne.
Nous souhaitons que l'ensemble des étapes de la réalisation soit fait en total respect des matériaux, outils et techniques du néolithique, depuis l'abattage de la grume de pin, son creusement et jusqu'à la navigation. L’ensemble des étapes se dérouleront entre janvier et septembre. En effet l’abattage devant se faire avant la montée de sève (au plus tard fin février 2020), le creusement des 2 pirogues intervenant au printemps et à l’été 2020.
L'expérimentation en mer interviendra à l’automne 2020 (septembre) afin de bénéficier des conditions optimales de navigation. Celle-ci se faisant probablement par une mise à l’eau sur la plage de Tizzano ou Propriano puis une navigation de 3 jours par cabotage jusqu'à Bonifacio et ensuite en traversant en une journée vers la Sardaigne.
Les partenaires du projet !
Office National des Fôrets Ministère de la Culture (DRAC Corse) Collectivité de Corse Mairie de Quenza Inrap Corse Matin France 3 ViaStella Ulule Préhistoire Interactive |
L'arbre
L'arbre choisi par l'ONF est un pin maritime, essence présente au Néolithique.
Âgé d'une centaine d'années, il se trouve dans une forêt changeante, c'est-à-dire que les pins sont remplacés naturellement et petit à petit par des chênes verts. De plus, il faut noter la présence à la base de l'arbre de champignons, non problématique pour la navigation, mais qui à terme va tuer le pin. Mensurations : Longueur : 24.3 mètres + la base +/- 25 mètres Diamètre à la base : 86 cm Age : +/- 160 ans Poids : +/- 16 tonnes |
L'abattage
Pour des novices comme nous, un apprentissage nécessaire passe par une bonne position du corps et de la hache. Ainsi, idéalement, la frappe se fera à deux bûcherons et au même endroit, obligation donc de se coordonner et de frapper l’un après l’autre, une première personne placée à droite et l’autre à gauche. Contrairement à une hache en fer, le coup porté avec une hache en pierre doit être puissant sinon lors de l’impact son tranchant n’entame pas l’arbre et rebondit.
L’angle du tranchant d’une hache polie en dolérite, malgré l’extrême résistance mécanique de cette roche, doit être comprise entre 55 et 65°.
Nous remarquons également que l’équilibre de la hache est important. Ainsi une hache trop légère manquera de puissance et son porteur se fatiguera à donner des coups pour peu de résultats tandis qu’une hache trop lourde sera efficace mais son porteur se fatiguera très vite, elle doit donc être adaptée à la morphologie de chacun.
Heureusement après plusieurs essais, nous trouvons les haches qui nous conviennent le mieux.
Bucherons : 5
Temps : 9h
Coups : +/- 90.000
L’angle du tranchant d’une hache polie en dolérite, malgré l’extrême résistance mécanique de cette roche, doit être comprise entre 55 et 65°.
Nous remarquons également que l’équilibre de la hache est important. Ainsi une hache trop légère manquera de puissance et son porteur se fatiguera à donner des coups pour peu de résultats tandis qu’une hache trop lourde sera efficace mais son porteur se fatiguera très vite, elle doit donc être adaptée à la morphologie de chacun.
Heureusement après plusieurs essais, nous trouvons les haches qui nous conviennent le mieux.
Bucherons : 5
Temps : 9h
Coups : +/- 90.000
Tronçonnage
Une fois le pin maritime abattu, il a fallu décider de la marche à suivre pour couper le tronc horizontal en 2 parties pour réaliser les 2 pirogues. La présences de branches importantes à environ 14m de la base a limité en longueur maximum. Il a donc été décidé de maximiser la longueur de la première pirogue. Nous avons choisi de réaliser une pirogue de 7m50 et une autre de 6m50.
L'ethnologie montre que plusieurs techniques ont pu être utilisées pour cette phase de tronçonnage. La première que nous avons mis en oeuvre a consisté à tenter de tronçonner la grume en deux points par le feu. Des plateformes ont été élevées afin de rapprocher au plus près les foyers destinés au tronçonnage. Mais, après malgré plus de 8h de brasier, seul un petit centimètre sous l'écorce fut entamé par le feu. L'arbre étant encore vert, le tronçonnage par combustion ne fut pas efficace, il a donc été décidé d'attaquer le tronçonnage à la hache. Plusieurs haches ont été nécessaires, des manches adaptés à l'épaisseur des troncs et 1 mois de travail cumulé à trois personnes pour venir à bout de la séparation du tronc en trois parties !
L'ethnologie montre que plusieurs techniques ont pu être utilisées pour cette phase de tronçonnage. La première que nous avons mis en oeuvre a consisté à tenter de tronçonner la grume en deux points par le feu. Des plateformes ont été élevées afin de rapprocher au plus près les foyers destinés au tronçonnage. Mais, après malgré plus de 8h de brasier, seul un petit centimètre sous l'écorce fut entamé par le feu. L'arbre étant encore vert, le tronçonnage par combustion ne fut pas efficace, il a donc été décidé d'attaquer le tronçonnage à la hache. Plusieurs haches ont été nécessaires, des manches adaptés à l'épaisseur des troncs et 1 mois de travail cumulé à trois personnes pour venir à bout de la séparation du tronc en trois parties !
Mise en forme
Les deux grumes sont arrivées sur leur nouvel emplacement le 12 juin 2020 pour le week-end des Journées Européennes de l’Archéologie, elles ont été placées sur des rondins de bois afin de les surélever et faciliter leur déplacement (et rotation) éventuels.
L’objectif est de placer la lame sous l’écorce pour la faire sauter d’un mouvement longitudinal lancé. Le geste s’acquiert assez facilement et de grandes portions d’écorce se détachent aisément de la grume.
2. Préparation au creusement
Le premier travail de façonnage proprement dit, concerne l’enlèvement de la dosse supérieure. Il s’agit de la partie supérieure du tronc, l’enlever nous permettra d’aplanir complètement la pirogue et déterminera la surface initiale de notre travail de creusement.
Pour cela nous préparons le tronc pour pouvoir y placer les coins qui serviront à lever la dosse. Nous choisissons de ne pas attaquer la dosse directement aux extrémités. Cela ne facilite pas le travail, mais nous permet de garder une proue et une poupe légèrement plus haute que le reste de la pirogue. Contrairement aux pirogues fluviales, nous aurons à affronter le mouvement des vagues en mer et nous voulons voir si cela permet une protection supplémentaire. Nous devons donc préparer le tronc à l’aide d’une saignée à la hache dans la largeur de la pirogue aux deux extrémités.
3. Le façonnage du cuvelage
- L’écorçage
L’objectif est de placer la lame sous l’écorce pour la faire sauter d’un mouvement longitudinal lancé. Le geste s’acquiert assez facilement et de grandes portions d’écorce se détachent aisément de la grume.
2. Préparation au creusement
Le premier travail de façonnage proprement dit, concerne l’enlèvement de la dosse supérieure. Il s’agit de la partie supérieure du tronc, l’enlever nous permettra d’aplanir complètement la pirogue et déterminera la surface initiale de notre travail de creusement.
Pour cela nous préparons le tronc pour pouvoir y placer les coins qui serviront à lever la dosse. Nous choisissons de ne pas attaquer la dosse directement aux extrémités. Cela ne facilite pas le travail, mais nous permet de garder une proue et une poupe légèrement plus haute que le reste de la pirogue. Contrairement aux pirogues fluviales, nous aurons à affronter le mouvement des vagues en mer et nous voulons voir si cela permet une protection supplémentaire. Nous devons donc préparer le tronc à l’aide d’une saignée à la hache dans la largeur de la pirogue aux deux extrémités.
3. Le façonnage du cuvelage
- - Le creusement mécanique
Les outils utilisés sont : des haches et herminettes en pierre polies (dolérite, variolite et glaucophanite à grenats), masses en buis et ciseaux en bois de cervidé et en chêne. En un mois, soit une quinzaine de jours travaillés, nous avons réussi à creuser d’environ une vingtaine de centimètres sur les sept mètres de longueur, il en reste donc une cinquantaine à enlever. Les bords sont donc maintenant biens dessinés ainsi que les compartiments. - Le creusement au feu
Une alternative au creusement mécanique existe et se trouve probablement la plus efficace des techniques de façonnage pour les pirogues, c’est l’usage du feu. Des traces de cette technique ont d’ailleurs été observées sur les pirogues mésolitiques de Noyen-sur-Seine. C’est par ce procédé que nous choisissons de continuer le travail.
A l’aide de morceau de granit, nous avons également polis l’intérieur des deux pirogues, afin de rendre les parois moins agressives, lors de nos déplacements à l’intérieur.
La pirogue principale (la plus grande) compte 7m20 de longueur finale, 80cm au plus haut et 70cm au plus bas, des parois dont l’épaisseur est située entre 6 et 10cm et un fond évalué à 15cm.
La deuxième pirogue compte 6m50 de longueur finale, 65cm au plus haut, 60cm au plus bas, des parois de 3cm à 10cm et un fond évalué à 12cm.
Mise à l'eau
Les pirogues ont pu être déplacé sur de la plage de départ (Plage de Baracci, Propriano). Une fois déposées à une cinquantaine de mètres du bord de l’eau, à l’aide de deux leviers en chêne et un duo de personne sur chaque levier, nous avons pu les déplacer sur plusieurs mètres en faisant glisser la pirogue sur des rondins disposés sur le sable.
La mise à l’eau a nécessité, une nouvelle fois, la technique des deux duos et de deux leviers a été utilisé, ainsi que le renfort d’une dizaine de personnes.
La mise à l’eau a nécessité, une nouvelle fois, la technique des deux duos et de deux leviers a été utilisé, ainsi que le renfort d’une dizaine de personnes.
Navigation
Pour une plus grande immersion dans le projet, nous avons choisi de naviguer costumés et d’adopter un régime compatible avec le néolithique. Les costumes sont ceux de l’association et sont fabriqués en lin simple, sans trop de décor, comme on pouvait l’imaginer au néolithique, bien que les vêtements à base de cuir semblent dominant, le lin apporte une légèreté bienvenue face à la chaleur de cette fin d’été. Plusieurs tenues sont proposées, de la simple tunique en passant par le pagne dans les cas de fortes températures.
Après quatre jours et plus de 70km à la rame sur les 95km à parcourir en mer pour rallier Bonifacio depuis Campomoro, une partie de l’objectif est réalisé : celui d’atteindre Bonifacio. Même si cette dernière devait être le point de départ de la véritable exploration : celle de se rendre en Sardaigne pour parcourir le chemin qu’empruntait l’obsidienne pour venir en Corse. Malheureusement, pandémie mondiale oblige, cela nous a été impossible, deux jours avant notre arrivée à Bonifacio, nous avons appris la fermeture de la frontière en Sardaigne et l’obligation d’un test PCR pour s’y rendre.
Vitesse : 3-5kmH
Kilomètres ramés : 70km
Rameurs : 7 au début réduit à 5
Après quatre jours et plus de 70km à la rame sur les 95km à parcourir en mer pour rallier Bonifacio depuis Campomoro, une partie de l’objectif est réalisé : celui d’atteindre Bonifacio. Même si cette dernière devait être le point de départ de la véritable exploration : celle de se rendre en Sardaigne pour parcourir le chemin qu’empruntait l’obsidienne pour venir en Corse. Malheureusement, pandémie mondiale oblige, cela nous a été impossible, deux jours avant notre arrivée à Bonifacio, nous avons appris la fermeture de la frontière en Sardaigne et l’obligation d’un test PCR pour s’y rendre.
Vitesse : 3-5kmH
Kilomètres ramés : 70km
Rameurs : 7 au début réduit à 5
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